Dénicher un bien s’apparente parfois à une course contre la montre. La pression immobilière s’exerce aussi sur la durée de vie des annonces en ligne, plus courte là où les prix sont les plus élevés.
ENQUÊTE
Le cas est loin d’être unique et tout le monde connaît au moins une personne dans le cas de figure, qui a vu ses espoirs d’acquisition immobilière tués dans l’œuf avant même d’avoir pu visiter un bien, parce qu’en dernière minute l’agence annule le rendez-vous. « A moins que vous ne puissiez offrir davantage… ». Les doutes, ou les offres soumises à acceptation bancaire, n’ont plus lieu d’être dans certaines régions du pays. Ce n’est évidemment pas le fruit du hasard. « Tant que la demande reste supérieure à l’offre, les prix des biens continueront à monter et la vitesse d’acquisition à s’accélérer », résume une responsable d’agence immobilière. Les deux phénomènes sont évidemment liés, par effet de surenchère.
Peut-on cibler des zones où ce phénomène d’accélération est plus sensible ? Aucun indicateur officiel n’existe qui renseignerait la vitesse d’acquisition des biens. Il existe bien en Région wallonne une liste de communes étiquetées « en zone de pression immobilière ». Mais celle-ci, qui comporte une quarantaine de noms – en gros, le Brabant wallon et les communes habituellement citées comme les plus chères du pays (Arlon, Assesse, Aubel, Jalhay, Silly, Thimister-Clermont, La Bruyère, Gembloux ou Profondeville, toutes les deux nouvellement enrôlées), ne repose que sur un critère de prix. « On prend en compte la moyenne des prix des maisons sur les cinq dernières années. Les communes qui sont au-dessus de la moyenne régionale sont alors considérées comme « en zone de pression immobilière », explique-t-on au Centre d’Etudes en Habitat Durable.
Un jour pour vendre un bien
A défaut de chiffres officiels, un coup de sonde dans les agences immobilières de la région de Gembloux confirme l’impression : « Quand les prix sont en adéquation avec la valeur du bien, cela peut aller très vite. Un jour pour annoncer la vente, un jour pour les visites, et c’est généralement réglé. On passe plus de temps à finaliser les détails de la vente qu’à trouver acquéreur », développe-t-on chez HomeExpertImmo à Saint-Denis. Même écho chez Immo Bonnivers : « La plupart de nos biens en vente affichent désormais la mention ‘faire offre à partir de’ dans l’espoir que cela tire les prix vers le haut ».
Sur les sites Immoweb et ImmoVlan, la pression se fait ressentir et peut se mesurer sur la durée de vie des annonces. Sollicités par Le Soir, les deux sites nous ont transmis leurs chiffres, pour l’ensemble du pays et la totalité de l’année 2019. En clair : si on prend l’intégralité des annonces parues au cours de l’année, depuis le moment où elles sont postées jusqu’à leur retrait, peut-on en déduire le nombre de jours qu’il faut pour vendre un bien ?
L’analyse de ces données, pour les deux portails, révèle qu’un bien à vendre reste, en moyenne nationale, 51 jours en ligne sur Immoweb, 138 jours chez ImmoVlan. Des durées qui peuvent sembler longues, aux antipodes d’un constat d’urgence immobilière, mais qui sont à replacer dans leur contexte : les agences, principales clientes des sites, souscrivent avec eux des contrats, pour un ensemble de biens placés sur le site pour une durée plus ou moins longue, mais pas « bien par bien ». Généralement, rapporte-t-on dans plusieurs agences, la durée d’affichage est fixée par bloc, de 30, 60, 90 jours.
Une accélération
Ceci posé, et dans les deux cas, les chiffres n’en sont pas moins éclairants : sur ImmoVlan, la durée de vie d’une annonce immobilière était en 2019 35 % moins longue à Bruxelles et 32 % dans le Brabant wallon que la moyenne belge. Les écarts sont moins importants chez Immoweb mais tout aussi significatifs : respectivement 16 et 14 % de moins. A contrario, c’est dans le Hainaut que les annonces immobilières ont le plus tendance à durer : sur base des annonces postées en 2019, il faut 40 % de temps en plus pour voir un bien situé en Hainaut disparaître du site d’ImmoVlan.
Dans le détail encore, si on revient à la liste des communes en « zone de pression », on peut estimer qu’il faut deux fois moins de temps pour vendre une maison à Ophain ou à Haut-Ittre, dans le Brabant wallon, qu’en moyenne belge, tandis qu’Anderlecht, est la commune bruxelloise où les choses vont le plus vite, 35 % sous la moyenne.
On voit encore, avec le recul temporel, au départ de plus de 100.000 annonces de biens à vendre sur Immovlan depuis 2015, que la durée de vie des publications est en chute libre de 27 % dans tout le pays, et, à Bruxelles, de 50 %. Presque mécaniquement, les endroits où les prix augmentent le plus fort sont aussi ceux où il faut le moins de temps pour vendre un bien.
Il n’y a pas seulement que cette hyperpression ne fait pas le bonheur des candidats-acquéreurs ; elle est aussi un objet de tensions entre les agences et les sites immo. Si un intérêt commun semble les lier (la vente ou la location des maisons et appartements sur le marché), celui-ci prend des formes diverses pour l’un et l’autre. Les agences souhaitent de la visibilité, les sites le plus grand renouvellement des annonces, ce qui n’est pas toujours compatible, y compris là où les biens partent comme des petits pains. Les agences peuvent peut-être se suffire de leur propre base de contacts, de leur site web et de Facebook pour les biens les plus prisés, avoir recours à Immoweb/ImmoVlan n’en reste pas moins un passage obligé : vendre un bien en un jour de visite, cas idéal, « ne vaut que pour 25 % des biens, ceux que tout le monde recherche, sans travaux, en bon état. Pour les autres, il faut cravacher dur », explique Benoît Hautphenne, à La Bruyère. Et dans ce cas, la voie la plus directe pour toucher un public large reste celle des sites d’annonces.
Fini de biaiser
Le patron d’Immoweb, Valentin Cogels, reconnaît mener la vie dure à ceux qui tentent de biaiser pour s’assurer une meilleure place sur le site, en enlevant puis remettant un bien en vente. C’est que, avec 500.000 visiteurs quotidiens, le site se sait incontournable. « Ils viennent chez nous dans une démarche de recherche, active. Notre rôle est de montrer ce qu’il y a de mieux sur le marché ». Pour autant, entre les communes à forte pression et les autres, tout le monde est logé à la même enseigne : « Le traitement est homogène, quelle que soit la commune. Mais libre à l’annonceur, s’il souhaite booster la visibilité d’un bien, de payer pour s’assurer une meilleure visibilité ».
Ce rétrécissement de la fenêtre de tir n’inquiète pas le responsable d’ImmoVlan Eric Spitzer, qui y voit plutôt un signe positif. « Cela montre que les utilisateurs trouvent plus vite leur bonheur avec leurs recherches et un intérêt qui ne faiblit pas pour l’immobilier. La durée de vie des annonces n’a pas d’impact sur nos chiffres, qui sont en progrès. ». On n’arrête pas la course du temps.
Source : https://www.msn.com/fr-be/finance/actualite/le-temps-est-compt%C3%A9-pour-les-annonces-immobili%C3%A8res/ar-BB10inpq