Un propriétaire confie à une agence immobilière la mission de lui trouver un acquéreur pour son bien ou décide de mettre son bien en vente sans intervention d’un professionnel. Quoi de plus fréquent ?
Dans la première hypothèse, et après avoir signé la convention de courtage obligatoire, l’agence débute sa mission en réalisant, notamment, une annonce décrivant l’immeuble et indiquant le prix demandé pour sa vente sur et dans tout autre support qu’elle juge approprié.
Un amateur intéressé prend contact avec l’agence afin d’obtenir d’avantage de renseignements, réaliser une visite et… une fois toutes les informations obtenues, l’amateur se mue en candidat acquéreur, lequel déclare accepter le prix souhaité par le vendeur et dépose une offre ferme d’acquérir au prix sollicité !!!
Légitimement fier du devoir accompli, l’agent immobilier informe le vendeur de l’excellent résultat obtenu et, contre toute attente, se heurte à un refus du vendeur d’accepter l’offre réalisée et de poursuivre la vente avec le candidat…
Telle peut également être la situation sans intervention de l’agent immobilier…
Comme on peut l’imaginer, le candidat acquéreur s’en trouve fortement courroucé… car il estime que la vente est parfaite au motif que son offre au prix souhaité rencontre l’offre du vendeur et forme en conséquence l’accord des parties sur la chose et le prix.
Face à cette situation ubuesque, et, en dehors de toute considération morale, il faut se poser la question suivante : l’annonce de la mise en vente de l’immeuble à tel prix, constitue-t-elle une offre de vente qui peut être levée par l’offre au prix et de ce fait devenir une vente ?
Dans la plupart des cas, l’agent immobilier n’est investi « que » d’une mission de courtage (rechercher des candidats acquéreurs et à les mettre en rapport avec le propriétaire). En conséquence, il ne peut poser un acte juridique pour le compte du propriétaire et, de ce fait, l’engager.
C’est aussi pour cette raison que la jurisprudence refuse de voir une annonce immobilière comme une offre de vente (qui engagerait alors le vendeur), même si l’annonce mentionne un prix.
Selon la jurisprudence, « Il est généralement admis que l’offre adressée au public, notamment par le biais d’annonces ou d’affiches, ne satisfait pas à la condition de la volonté de s’engager juridiquement et ne peut être interprétée autrement que comme un simple moyen d’obtenir des offres d’achat » (Arrêt de la 7ème chambre de la Cour d’appel de Bruxelles du 23.06.2011, Rôle 2008/AR/1795, Civ. Brux., réf. 31 mai 1995, R.G.D.C. 1996, p. 68).
Le Tribunal de première instance de Bruxelles avait déjà, par jugement du 24 avril 2009, confirmé sa jurisprudence selon laquelle l’annonce de mise en vente d’un bien immobilier ne constitue pas une offre de vente liant définitivement le vendeur, fut-elle assortie de la mention du prix. Il ne suffit donc pas que ce prix soit accepté par le premier candidat acquéreur pour former une vente parfaite
Que peut-on en déduire ? Que dans les circonstances relatées ci-dessus, il ne suffit pas de déclarer que l’on achète la maison au prix demandé pour qu’il y ait vente…
Le propriétaire garde le dernier mot mais pourrait aussi subir les conséquences de son « attitude » en étant contraint de supporter les honoraires de l’agence qui, je le rappelle, aura réalisé sa mission et en subissant les éventuelles foudres du candidat acquéreur qui pourrait envisager de poursuivre le vendeur jugé indélicat en paiement de dommages et intérêts fondés sur un préjudice résultant de la rupture abusive de pourparlers et/ou l’absence de bonne foi dans les négociations.
Par Gilles TIJTGAT| 23 juin 2015|Blog, Droit, Infos immobilières